Le premier homme.
« Aucun de nous ne supporte une trop forte dose de réalité. Personne. »

Il vient des hautes plaines et rêve d'un ailleurs, sans trop savoir pourquoi.
Un lointain peut-être différent, quelque par là bas.
Alors il part en quête, insouciant d'où il va.
Peut être vers la mer ou vers un océan que cependant il n'envisage pas, tout comme il n'imagine pas de confins à son monde.
Juste un ailleurs, plus loin. Une route longue.
Des arbres inconnus mais pour lui semblables qui masquent l'horizon.
Des paysages qu'il voit presque immuables mais qui, pourtant, changent à chacun de ses pas.

Puis un jour survient l'improbable.

La terre à une fin. Elle est là.
Aux limites d'un espace, mouvant et insondable qui, lui, semble n'en avoir pas.
Il est désormais seul, à la frontière de deux mondes qu'il n'envisageait pas.

Que voir alors ? Que comprendre ?

Il lui faut réapprendre et tout réinventer. Fragmenter ce qui s'offre à ses yeux.
Reconstruire, s'imprégner peu à peu.
Rendre ce nouveau plausible, flagrant, définitivement tangible.
Comme l'étaient ces terres d'avant sa fuite ou son voyage.

Jusqu'à ce que des rochers, émergeant de l'écume, il en fasse ses totems.
Reconnaissant en eux l'image du premier homme errant en ces rives incertaines dont il est désormais l'hôte et le conquérant.
Ces terres et ces eaux qu'il sait pouvoir, dorénavant faire siennes.

Jusqu'à plus loin ?
Ou... Jusqu'à quand ?

Patrick Heme (journaliste)

Nous ne faisons rien de plus que lui quand nous sommes face à la mer, nous rêvons pour ouvrir des possibles demains...